Commissaire aux élections fédérales – Rapport annuel de 2012-2013
Message du commissaire aux élections fédérales
La Loi électorale du Canada (LEC) définit en quelques mots le mandat du commissaire, qui est de « veiller à l'observation et à l'exécution de la présente loi » (art. 509).
Il y a plus de 40 ans que le Bureau du commissaire existe et pourtant la population en sait manifestement très peu sur ce que nous sommes, sur ce que nous faisons et comment nous le faisons.
Mon objectif avec ce premier rapport annuel est de clarifier ces questions : quel type de travail faisons-nous? Quel genre de plaintes recevons-nous? Quelles sont les ressources et les outils dont nous disposons?
J'espère que l'information fournie dans ce rapport sera utile à cet égard. Les rapports annuels subséquents que je me propose de déposer iront dans la même voie.
Je désire également attirer l'attention sur certains défis que nous devons relever. Il s'agit de questions sérieuses qui méritent d'être étudiées et qui doivent être réglées. (La dernière section du rapport aborde ces questions plus en détail.)
Il est peut-être d'autant plus important de le faire en ce moment, alors que le gouvernement a annoncé son intention de présenter des modifications majeures à la LEC.
Le premier défi est le suivant : il nous arrive régulièrement, pendant nos enquêtes, de contacter des individus qui, nous le savons, possèdent des renseignements utiles, mais qui refusent de nous parler et d'offrir la moindre information.
Afin de répondre à ce problème, nous devons être en mesure d'exiger la production d'information. Nous pourrions par exemple avoir le pouvoir de demander à un juge indépendant d'ordonner aux témoins récalcitrants de révéler aux enquêteurs ce qu'ils savent au sujet d'une affaire en particulier. De telles ordonnances seraient accompagnées d'un certain nombre de protections, décrites dans le présent rapport.
Au niveau fédéral, la Loi sur la concurrence permet au commissaire de la concurrence de demander à un tribunal des ordonnances de cette nature. Il est important de noter que plusieurs lois électorales provinciales accordent au directeur général des élections (ou au commissaire) le pouvoir de contraindre une personne à venir témoigner, ainsi qu'à fournir des renseignements ou à produire des documents. (C'est le cas en Alberta, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, au Québec, en Ontario et au Yukon.)
Si l'on souhaite réellement faciliter et accélérer la conduite des enquêtes dans le domaine électoral, on doit envisager cette proposition sérieusement.
En tant que commissaire, je suis fermement convaincu que le changement proposé ici représente le meilleur moyen d'accroître notre efficacité, surtout pour les enquêtes sur des questions complexes. Cela accélérerait énormément notre travail et nous aiderait grandement à aller au fond des choses.
Le deuxième défi est le suivant : nous n'avons pas la souplesse nécessaire pour sanctionner les infractions à la LEC. Ce problème a été soulevé à maintes reprises par le directeur général des élections et son prédécesseur.
La LEC prévoit plus de 400 infractions différentes. Bon nombre sont essentiellement de nature régulatoire. Elles ne comportent pas un haut niveau de culpabilité morale et n'ébranlent pas fondamentalement les principes clés de la LEC.
Par exemple, par souci de transparence, diverses entités doivent soumettre différents rapports. Il est important que ces rapports soient soumis, et qu'ils le soient dans les délais. Toutefois, ils sont souvent présentés en retard, voire jamais. Si le système fonctionnait correctement, des sanctions seraient imposées rapidement. Et pourtant, la seule façon d'imposer des sanctions à l'heure actuelle est d'engager des poursuites.
C'est un peu comme écraser une mouche avec un marteau. La disproportion est totale entre les moyens de sanction et les méfaits.
Poursuivre les contrevenants en justice requiert beaucoup de temps et d'efforts. C'est aussi extrêmement coûteux. La charge de travail des tribunaux canadiens ne cesse de s'alourdir. Si l'accusé décide de se défendre et que l'affaire est portée devant les tribunaux, une longue période s'écoulera entre le moment de la perpétration et la décision du tribunal. Il n'est donc pas surprenant que dans de nombreux cas on décide de ne porter aucune accusation.
Le régime d'exécution de la LEC doit être assoupli. Le directeur général des élections a déjà indiqué qu'il devrait être modifié pour comporter diverses sanctions administratives (p. ex. l'imposition de frais progressifs pour les rapports présentés en retard). Un certain nombre de régimes d'exécution de la loi fédéraux prévoient des sanctions pécuniaires administratives. C'est d'ailleurs l'un des outils à la disposition du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour sanctionner les appels automatisés enfreignant ses Règles sur les télécommunications non sollicitées.
Si de vraies améliorations étaient apportées sur ces deux plans, la loi serait exécutée avec plus de rigueur et de rapidité. C'est particulièrement important dans le contexte électoral, où les sanctions peuvent devenir largement inutiles lorsqu'elles sont imposées après le cycle électoral au cours duquel les infractions ont été commises.
Point crucial, les modifications proposées ci-dessus contribueraient aussi à rassurer les citoyens que les responsables de l'exécution de la LEC ont les outils nécessaires pour enquêter adéquatement sur les infractions présumées et pour établir les faits, et qu'ils peuvent imposer des sanctions adaptées à la gravité des infractions commises.
En terminant, je tiens à souligner l'important soutien du directeur général des élections au cours de ma première année en tant que commissaire. Comme il est mentionné dans le rapport, il a notamment accru nos ressources pour renforcer notre capacité d'enquête. Compte tenu de notre charge de travail, ce soutien a été des plus appréciés.
Yves Côté, c.r.
Commissaire aux élections fédérales