Commissaire aux élections fédérales – Rapport annuel de 2012-2013
I. Mandat et pouvoirs
Comme l'indique de manière plus détaillée le Bulletin d'information sur la mise en application de la Loi électorale du Canada, le commissaire aux élections fédérales (ci-après appelé le commissaire) est chargé de « veiller à l'observation et à l'exécution » de la Loi électorale du Canada (LEC) et de la Loi référendaire.
Dans l'exercice de ses fonctions, le commissaire agit de manière totalement indépendante : il décide comment les plaintes et les renvois sont traités, quel type d'enquête il faut mener, quels dossiers sont renvoyés en vue de poursuites possibles et quels chefs d'accusation sont recommandés.
Le commissaire est nommé par le directeur général des élections (DGE) en vertu de l'article 509 de la LEC. Le commissaire actuel est entré en fonction le 2 juillet 2012.
La Loi sur les dépenses électorales de 1974, qui apportait diverses modifications à la LEC, créait la fonction de commissaire aux dépenses d'élection, dont les responsabilités se limitaient à veiller au respect des règles régissant les dépenses et le financement électoraux. En 1977, ces responsabilités ont été élargies de manière à couvrir toutes les dispositions de la LEC.
A. Plaintes et renvois
Le commissaire reçoit les plaintes du public et des entités politiques ainsi que des renvois d'Élections Canada concernant des infractions alléguées. Le commissaire peut également lancer une enquête de son propre chef si, à son avis, les faits et les circonstances le justifient.
Les renvois reçus d'Élections Canada proviennent principalement de la Direction du financement politique et de la vérification (DFPV), qui a pour principale responsabilité d'administrer les dispositions financières de la LEC. Après une élection, les candidats ont quatre mois pour remettre à Élections Canada leur rapport de campagne électorale, accompagné des documents pertinents. Les partis enregistrés, les associations de circonscription, les candidats à l'investiture et les candidats à la direction doivent aussi soumettre des rapports. Les rapports soumis sont vérifiés par la DFPV. Guidée par sa Politique administrative sur la conformité en matière de financement politique, la DFPV peut renvoyer les cas de non-conformité au commissaire. Normalement, de neuf mois à un an environ après une élection générale, la DFPV commence à acheminer des renvois concernant des infractions alléguées. Habituellement, ces renvois visent une grande variété d'infractions potentielles. Cela peut comprendre des dossiers où les vérificateurs de la DFPV ont pu conclure, par exemple :
- qu'aucun rapport n'a été déposé ou que le rapport a été déposé en retard;
- que la campagne n'a pas respecté la limite des dépenses;
- que des particuliers ont dépassé leur limite de contribution ou que des contributions ont été reçues d'entreprises ou d'autres entités inadmissibles;
- que des contributions inadmissibles n'ont pas été retournées;
- que des fonds électoraux excédentaires n'ont pas été cédés de façon appropriée.
Les renvois peuvent se poursuivre pendant une période prolongée après une élection générale, car le processus de vérification peut parfois être très long. (Il n'est pas rare que les vérificateurs aient des échanges étendus avec l'agent officiel d'une campagne pour tenter de clarifier et de régler des problèmes.)
Le commissaire reçoit aussi des renvois d'Élections Canada qui ne concernent pas des questions liées aux règles de financement politique. Le nombre de ces renvois est limité. Par exemple, chaque élection donne lieu à un certain nombre de renvois concernant des particuliers qui auraient demandé plus d'un bulletin de vote.
Enfin, quiconque a des raisons de croire qu'une infraction à la LEC a été commise peut déposer une plainte au Bureau du commissaire, qui en accuse réception et informe son auteur de la façon dont elle fut résolue.
Il importe de préciser que tous les renvois ou plaintes ne mènent pas à une enquête. Lorsqu'un dossier est ouvert, une première évaluation est effectuée afin de formuler des recommandations au commissaire, et de déterminer les étapes suivantes, s'il y a lieu. Il peut alors s'avérer nécessaire de recourir aux services juridiques internes ou de communiquer avec le plaignant. Lorsque le commissaire décide d'enquêter, la portée et la durée de l'enquête varient selon la complexité du dossier.
B. Outils d'enquête
Le commissaire peut examiner de l'information publique; de l'information fournie volontairement par les plaignants, les parties visées par une plainte ou toute autre personne; ou de l'information détenue par Élections Canada.
Les enquêteurs du commissaire peuvent également interroger les témoins ou les personnes visées par l'enquête sur une base volontaire afin de recueillir leur version des faits. (Le commissaire n'a pas le pouvoir d'obliger quelqu'un à témoigner ou à communiquer des documents qui pourraient être utiles à son enquête. Voir à ce sujet la section V – « Défis », sous C – « Insuffisance des outils d'enquête ».)
Un enquêteur peut également demander à un juge d'émettre un mandat de perquisition ou d'émettre une ordonnance de communication si les critères prévus dans le Code criminel sont respectés. Le juge doit être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire : qu'une infraction à la LEC a été commise, que l'information recherchée servira à prouver la commission de l'infraction et, pour une ordonnance de communication, que la personne visée par l'ordonnance a la possession ou le contrôle de cette information (dans le cas d'un mandat de perquisition, que le lieu visé contient un élément de preuve de l'infraction). Pour obtenir un mandat ou une ordonnance de communication, l'enquêteur doit présenter une dénonciation, c'est-à-dire un affidavit décrivant les motifs raisonnables. Une fois l'information communiquée, ou le mandat de perquisition exécuté, un rapport est présenté au juge conformément aux dispositions du Code criminel.
Le commissaire peut demander l'émission d'ordonnances de communication afin d'obtenir des renseignements de banques ou d'autres institutions financières (chèques oblitérés, relevés bancaires, etc.), ainsi que de compagnies de téléphone ou de fournisseurs de services Internet. La preuve obtenue par le biais d'une ordonnance de communication ne peut toutefois être utilisée contre la personne de qui l'information a été obtenue.
C. Renvoi en vue de poursuites
À la suite d'une enquête, et conformément à l'article 511 de la LEC, le commissaire peut renvoyer une affaire au directeur des poursuites pénales (DPP) s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Le DPP décide s'il y a lieu d'engager des poursuites et, si des accusations sont déposées, il mène les poursuites. Le rôle du DPP est exposé de manière plus détaillée à la section IV – « Traitement des plaintes et des renvois », sous C – « Poursuites ».
D. Sanctions et mesures d'application de la loi
Si l'accusé est reconnu coupable d'une infraction, le tribunal peut lui imposer une peine choisie parmi la gamme de sanctions prévue pour chaque infraction, y compris des amendes et des peines d'emprisonnement.
Plus de 400 infractions sont répertoriées dans la LEC, et des peines maximales sont établies pour les différents types d'infractions. Pour les infractions les moins graves, ces peines sont une amende d'au plus 1 000 $ ou une peine d'emprisonnement maximale de trois mois, ou les deux.
Une personne déclarée coupable d'une infraction de catégorie plus grave (exigeant dans bien des cas la preuve d'un élément intentionnel) est passible – selon l'infraction et la procédure – d'une amende maximale de 2 000 $ ou de 5 000 $, ou d'une peine emprisonnement maximale de six mois ou de cinq ans, ou les deux.
L'article 502 de la LEC dresse une liste d'infractions constituant des « actes illégaux » (p. ex. un candidat ou un agent officiel dépasse délibérément le plafond des dépenses électorales) ou des « manœuvres frauduleuses » (p. ex. un candidat ou un agent officiel entrave l'action d'un fonctionnaire électoral). Il s'agit essentiellement d'actes qui, selon le Parlement, peuvent gravement compromettre l'intégrité du processus électoral. Toute personne reconnue coupable d'une telle infraction perd automatiquement certains droits – pour cinq ans si elle a commis un acte illégal et pour sept ans si elle a commis une manœuvre frauduleuse –, à savoir : le droit d'être élue ou de siéger à la Chambre des communes, et le droit de « remplir une charge dont la Couronne ou le gouverneur en conseil nomme le titulaire » (alinéa 502(3)b)).
Par ailleurs, la LEC autorise le commissaire à recourir à des transactions (ententes de conformité) à titre de mesures correctives non punitives (voir le paragraphe 517(1)). Des renseignements additionnels à ce sujet sont fournis à la section IV – « Traitement des plaintes et des renvois », sous B – « Transactions ».
La LEC prévoit deux autres mesures, qui n'ont encore jamais servi. En période électorale, le commissaire peut, en vertu du paragraphe 516(1), demander à un tribunal une injonction mettant fin à une infraction à la LEC ou obligeant une personne à s'y conformer, pour « assurer l'intégrité du processus électoral et de l'intérêt public ». En vertu du paragraphe 521.1(1), le commissaire peut aussi demander à un tribunal une ordonnance radiant un parti politique qui « ne compte pas parmi ses objectifs essentiels celui de participer à l'administration des affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l'élection d'un ou de plusieurs de ses membres ».