Commissaire aux élections fédérales – rapport annuel de 2014-2015
Bilan de l'année : 2014-2015
Projet de loi C-23
Il ne fait aucun doute que la série de modifications apportées à la Loi électorale du Canada, qui ont reçu la sanction royale le 19 juin 2014, représente le changement le plus important touchant l'administration et l'exécution des activités électorales au cours des dernières années. Les changements découlant du projet de loi C-23 se répercutent sur presque tous les aspects de l'administration et de la gouvernance des élections fédérales. Ils modifient aussi de manière déterminante les mesures d'observation et d'application de la loi qui constituent le fondement du mandat du commissaire aux élections fédérales.
En avril 2014, le commissaire a témoigné devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet des modifications proposées à la Loi. Durant son témoignage, le commissaire a accueilli favorablement les modifications concernant les mesures d'application proposées, en précisant que des sanctions plus sévères et la création de nouvelles infractions représentaient une amélioration considérable du régime. Néanmoins, le commissaire a aussi souligné trois sources de préoccupations : le transfert du commissaire aux élections fédérales au Bureau du DPP; l'incapacité du commissaire de demander une ordonnance de la cour pour contraindre des personnes à témoigner; et les restrictions en ce qui a trait aux communications avec le public.
Même si les modifications législatives contenues dans le projet de loi C-23 n'ont pas réglé toutes les questions soulevées par le commissaire, elles ont toutefois engendré plusieurs changements notables au régime d'observation et d'application de la loi.
Confidentialité
Par le passé, le Bureau du commissaire aux élections fédérales a limité de manière stricte la divulgation de renseignements portant sur une plainte, un renvoi ou toute activité liée à l'observation ou à l'application de la Loi. Ces limites assuraient la protection du droit à la vie privée des personnes pouvant avoir pris part à une enquête, à titre de plaignant, de témoin ou de personne visée par la plainte. Elles protégeaient aussi l'intégrité du processus d'enquête.
En vertu du projet de loi C-23, les dispositions relatives à la confidentialité ont été renforcées; ainsi, le commissaire et son personnel sont tenus par la Loi de ne divulguer aucun renseignement lié à leur travail, sauf dans des circonstances très limitées (paragr. 510.1(1)).
Avis
Le commissaire aux élections fédérales travaille avec une équipe d'enquêteurs qualifiés, qui sont chargés d'évaluer et d'examiner les plaintes afin de déterminer s'il y a suffisamment de preuves crédibles permettant de croire qu'une infraction à la Loi a été commise. Si les enquêteurs sont d'avis qu'une enquête est justifiée, ils recommandent au commissaire d'en lancer une. Par suite du projet de loi C-23, lorsque le commissaire ouvre une enquête, il doit maintenant aviser par écrit la personne visée par l'enquête. Cependant, le projet de loi C-23 prévoit une exception à cette règle : le commissaire n'est pas tenu de fournir un avis s'il estime que cela pourrait compromettre ou nuire à une enquête (paragr. 510(2)).
Prescription
Avant que le projet de loi C-23 reçoive la sanction royale, la prescription pour toutes les infractions était de 10 ans après la perpétration de l'infraction, et aucune poursuite ne pouvait débuter plus de cinq ans après que le commissaire eût pris connaissance des faits donnant lieu à l'infraction. En vertu de la nouvelle Loi, la prescription pour les infractions de responsabilité stricte – c'est-à-dire celles pour lesquelles le procureur n'a pas à prouver l'intention pour établir la commission de l'infraction – est dorénavant de six ans à compter de la date de la perpétration du geste ou de l'omission (paragr. 514(1)). Les poursuites pour les infractions exigeant une preuve d'intention ne sont plus assujetties à une prescription : elles peuvent être engagées en tout temps. Cette nouvelle prescription s'applique aux infractions perpétrées avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-23. Néanmoins, elle n'a pas pour effet de rétablir la possibilité de porter des accusations dans les cas où la prescription avait déjà été acquise (paragr. 514(3)).
Entrave aux enquêtes
De nouvelles dispositions s'appliquent dorénavant aux personnes qui prennent part au processus d'enquête. En vertu de la nouvelle Loi, quiconque entrave l'action du commissaire aux élections fédérales ou des personnes agissant sous son autorité, ou leur fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse est dorénavant passible de lourdes amendes, d'une peine d'emprisonnement ou des deux (art. 482.1).
Nouvelles dispositions concernant les appels aux électeurs
Le projet de loi C-23 prévoit aussi des obligations liées à l'enregistrement des fournisseurs qui font des appels aux électeurs pendant la période électorale. Les nouvelles dispositions, dont l'administration et l'application relèvent du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), exigent des fournisseurs de services, ceux qui font des appels aux électeurs, et des groupes ou personnes qui se procurent des services d'appels aux électeurs de s'enregistrer auprès du CRTC et de conserver les renseignements sur l'enregistrement. Le CEF demeure responsable de l'application des autres dispositions de la Loi, comme celles qui visent les tentatives d'empêcher un électeur de voter pendant une élection ou les fausses déclarations concernant la réputation ou la conduite personnelle d'un candidat. De plus, le CEF est maintenant chargé de mettre en application les nouvelles dispositions concernant la conservation des documents liés au contenu des appels aux électeurs. Le CRTC doit fournir au CEF, à la demande de celui-ci, les renseignements sur l'enregistrement qu'il a recueillis, lorsque ces renseignements peuvent aider le CEF à effectuer son travail d'enquête. Une entente décrivant les modalités de divulgation de ces renseignements a été conclue entre les deux organisations.
Transfert au Service des poursuites pénales du Canada
Par suite des changements découlant du projet de loi C-23, le commissaire et son personnel occupent maintenant leur poste au sein du Bureau du directeur des poursuites pénales. Le projet de loi contient des protections importantes visant à protéger l'intégrité du travail effectué par le CEF, dont une disposition qui spécifie que le commissaire mène ses enquêtes de façon indépendante du DPP. Cependant, même si les deux entités reconnaissent qu'elles doivent exercer leur rôle respectif de manière indépendante, quoiqu'en collaboration, pour assurer l'efficacité de l'application de la loi et des poursuites, le partage des ressources et des services dans certains secteurs est utile et rentable pour l'organisation. Les services que fournissait Élections Canada, y compris ceux liés aux ressources humaines, aux finances et à la sécurité, sont désormais fournis par le SPPC. Par contre, dans le cadre d'une entente négociée entre le DPP et le directeur général des élections, Élections Canada demeure responsable de la prestation de la plupart des services de TI au CEF.
Un cadre détaillé présentant les principes relatifs aux accords de collaboration entre le DPP et le commissaire aux élections fédérales est accessible au public sur le site Web du CEF.
Nouveaux locaux, nouvelles ressources
Avant le transfert au SPPC, le Bureau du commissaire aux élections fédérales occupait les mêmes locaux qu'Élections Canada, à Gatineau. La proximité des deux organisations facilitait les processus d'enquête et assurait un échange d'information efficace et en temps opportun. Bien que la relation entre le CEF et Élections Canada demeure pratiquement la même en ce qui concerne l'obligation de communiquer de l'information, en raison du transfert de l'organisation au SPPC, il était nécessaire de créer une séparation – réelle et perçue – d'Élections Canada et de la fonction de poursuivant du SPPC.
Le 16 février 2014, le commissaire et son personnel ont officiellement emménagé dans de nouveaux locaux sis au 22, rue Eddy, à Gatineau. Suite à ce déménagement, le personnel du bureau du commissaire occupe des locaux sûrs et physiquement séparés, où il peut effectuer son travail d'enquête. Les nouveaux locaux fournissent aussi des bureaux pour les nouveaux employés chargés des services juridiques, des communications et de la réception des plaintes, qui ont été embauchés après la séparation d'Élections Canada, et pour du personnel additionnel qui pourra être embauché temporairement afin de prêter assistance durant la prochaine élection générale.
Observation et contrôle d'application de la loi
L'intégrité du processus électoral repose sur la bonne foi des participants et leur volonté de respecter les dispositions de la législation électorale du Canada. Le mandat du commissaire renforce la surveillance du processus électoral, permettant ainsi à tous les participants de prendre part au processus électoral en toute confiance.
La Politique du commissaire aux élections fédérales sur l'observation et le contrôle d'application de la Loi électorale du Canada présente la façon dont le commissaire exerce son mandat en vertu de la Loi. À la suite de la mise en application du projet de loi C-23, cette politique a été révisée pour refléter les changements au mandat du commissaire découlant des diverses modifications apportées à la Loi.
Lettres d'avertissement
Les lettres d'avertissement constituent une mesure informelle d'application de la Loi. Entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015, le commissaire a émis 23 lettres d'avertissement pour des infractions mineures ou commises par inadvertance.
Transactions
La Loi électorale du Canada permet au commissaire de conclure une transaction avec une partie visée s'il a des motifs raisonnables de croire à l'existence, à l'imminence ou à la probabilité d'un acte ou d'une omission pouvant constituer une infraction à la Loi. Les transactions sont volontaires et sont assorties des conditions que le commissaire estime nécessaires pour faire respecter la Loi.
Entre 1er avril 2014 et le 31 mars 2015, le commissaire a conclu deux transactions :
- La première transaction a été conclue avec un gouvernement municipal qui a acheté un billet de participation à une activité de financement politique fédérale, ce qui constitue une contribution d'entreprise en vertu de la Loi.
- La deuxième transaction a été conclue avec un électeur qui a demandé un deuxième bulletin de vote, alors qu'il avait déjà voté, durant l'élection générale fédérale de 2011.
Accusations et poursuites
Si le commissaire a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la Loi a été commise, il peut renvoyer l'affaire au DPP qui, seul, a l'autorité de décider s'il y a lieu de déposer des accusations. Le DPP agit à titre d'autorité de poursuite indépendante chargée de mener les poursuites de compétence fédérale et de fournir des conseils juridiques aux organismes d'enquête.
Entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015, les accusations suivantes ont été déposées :
- Le 2 octobre 2014, des accusations ont été déposées contre M. David Del Mastro et Mme Tori-Lynn Manchulenko devant la Cour de justice de l'Ontario à Brampton. Ces individus sont accusés d'avoir sciemment caché ou tenté de cacher l'identité de l'auteur d'une contribution et d'avoir sciemment esquivé le plafond de contribution à une campagne pour un donateur individuel.
Au 31 mars 2015, ces affaires étaient pendantes devant les tribunaux.
Décisions des tribunaux
Décision concernant les dépenses de campagne électorale dans la circonscription de Montcalm
Le 1er décembre 2014, la Cour du Québec a imposé une peine à M. Michel Paulette de Terrebonne, au Québec, qui était candidat dans la circonscription de Montcalm durant l'élection générale fédérale de 2011. La cour a imposé la peine suivante, pour vol d'argent d'une valeur dépassant 5 000 $, une infraction au Code criminel, et pour production d'un rapport contenant des renseignements faux ou trompeurs, une infraction à la Loi électorale du Canada :
- 240 heures de travaux communautaires à être effectués dans un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance;
- dédommagement, en vertu de l'alinéa 738(1)a) du Code criminel, de 361,07 $ au profit de l'association du Parti Conservateur de Montcalm et de 7 757,54 $ au profit du Receveur général du Canada;
- remboursement d'une somme de 1 300 $, au profit de l'association du Parti Conservateur pour la circonscription de Montcalm à compter du 15 octobre 2015 et à raison de 50 $/mois;
- paiement d'une amende de 500 $ à compter du 15 décembre 2014 et à raison de 50 $/mois; et
- mise en probation de 3 ans.
Décision concernant les dépenses de campagne électorale dans la circonscription de Peterborough
Le 31 octobre 2014, la Cour de justice de l'Ontario a reconnu M. Dean Del Mastro et M. Richard McCarthy coupables d'avoir sciemment dépassé le plafond fixé pour les dépenses électorales et d'avoir produit des rapports financiers contenant des renseignements faux ou trompeurs. L'ex-député et son agent officiel ont été accusés à la suite d'événements qui ont eu lieu durant l'élection générale fédérale de 2008.
Au 31 mars 2015, aucune décision relative à la peine de ces deux individus n'avait été prise. L'affaire était toujours pendante devant les tribunaux.
Décision concernant les appels téléphoniques trompeurs à Guelph
En août 2014, la Cour de justice de l'Ontario a reconnu M. Michael Sona coupable d'avoir volontairement empêché ou de s'être efforcé d'empêcher un électeur de voter à une élection. Le 19 novembre 2014, la cour l'a condamné à 9 mois d'emprisonnement et à 12 mois de probation (incluant 100 heures de service communautaire à être complété dans les 10 premiers mois de l'ordonnance de probation).
La Couronne et la défense ont tous les deux interjeté appel à l'encontre de la sentence imposée par le tribunal.
Rapport concernant les appels téléphoniques trompeurs à l'extérieur de Guelph
En avril 2014, le commissaire a publié un rapport faisant état des conclusions de l'enquête sur les appels téléphoniques trompeurs (appels automatisés) effectués ailleurs que dans la circonscription de Guelph. Le rapport décrit l'enquête approfondie menée par les enquêteurs du CEF sur les allégations concernant des appels indésirables ou fournissant des renseignements erronés sur le lieu du scrutin. Il présente aussi les constatations de l'enquête et les raisons qui ont amené le commissaire à conclure qu'il n'y avait pas de motifs suffisants pour recommander le dépôt d'accusations.
Compte tenu de l'importance du dossier des appels automatisés pour les Canadiens, le commissaire a retenu les services d'une experte indépendante, chargée d'examiner l'enquête dans son ensemble. L'honorable Louise Charron, ex-juge de la Cour suprême du Canada, a eu un accès complet à tous les documents et renseignements liés à l'enquête. Son examen corrobore la qualité globale du travail des enquêteurs ainsi que la conclusion selon laquelle il n'y a aucun motif de croire qu'une infraction à la Loi a été commise.
De plus amples renseignements concernant les travaux d'enquête réalisés par le commissaire sont disponibles en ligne, à l'adresse : www.cce-cef.ca.
Avis écrits, lignes directrices et notes d'interprétation
Depuis le 19 décembre 2014, par suite des modifications à la Loi électorale du Canada, le commissaire doit fournir des commentaires sur la version provisoire des avis écrits, des lignes directrices ou des notes d'interprétation proposés par le directeur général des élections.
Les lignes directrices et les notes d'interprétation concernent l'application de la Loi aux partis enregistrés, aux associations enregistrées, aux candidats à l'investiture, aux candidats et aux candidats à la direction (regroupés sous l'appellation « entités politiques réglementées »). Les lignes directrices et les notes d'interprétation sont publiées à titre d'information uniquement; elles ne lient pas les entités politiques réglementées. Conformément à la Loi, le commissaire dispose de 15 jours pour formuler ses commentaires sur l'ébauche de ces documents. Lorsque les lignes directrices ou la note d'interprétation sont publiées officiellement, le directeur général des élections doit aussi publier les commentaires sur l'ébauche qu'il a reçue du commissaire.
Des dispositions similaires s'appliquent lorsqu'un parti enregistré demande au directeur général des élections de lui fournir un avis écrit sur l'application de toute disposition de la Loi. Dans ce cas également, le commissaire doit formuler des commentaires dans un délai de 15 jours, et ces commentaires sont publiés avec l'avis écrit définitif. L'avis lie le directeur général des élections et le commissaire à l'égard de l'activité ou de la pratique du parti enregistré ou des entités politiques réglementées affiliées en question, dans la mesure où tous les faits importants à l'appui de la demande d'avis ont été communiqués et sont exacts. En ce qui concerne des pratiques ou conduites similaires de la part des autres entités politiques réglementées, l'avis constitue un précédent pour le directeur général des élections et le commissaire.
Peu après l'entrée en vigueur de ces dispositions, le directeur général des élections a émis à l'état d'ébauche une série de lignes directrices et de notes d'interprétations. Le commissaire a formulé des commentaires sur ces ébauches, conformément à la Loi. Le directeur général des élections maintient un registre, qui contient tous les avis écrits, les lignes directrices et les notes d'interprétation, y compris les commentaires du commissaire; les entités politiques réglementées et le grand public peuvent consulter le registre sur le site Web d'Élections Canada, à l'adresse. (http://www.elections.ca/content.aspx?section=res&dir=gui&document=index&lang=f)